Il y a de fortes chances que 2020 reste dans les mémoires comme une année relativement monstrueuse. Ce sera le cas pour les raisons sanitaires, sociales et politiques évidentes que nous connaissons mais on peut aussi penser que le caractère terrible de ce millésime s’étende aussi au domaine du jeu vidéo, la faute à une tendance ces derniers mois qui place plus souvent qu’à l’accoutumée le joueur dans le rôle du prédateur.
ManEater, Sea Salt, Predator Hunting Grounds, le reboot de Destroy All Humans, autant d’exemples de jeux sortis cette année où nous incarnons la menace pour l’espèce humaine.
Que l’on contrôle un requin, un “grand ancien” lovecraftien ou des aliens, les rôles habituels s’inversent et l’humain devient la proie. C’est le cas aussi dans Carrion, un MetroïdVania 2D au pixel art léché, où une créature informe de chair rouge vif affublé de plusieurs bouches carnassières va tenter de s’évader de l’immense bunker souterrain où elle a été confinée.
Carrion : Destruction Massive
Sommaire
Weight Watcher
Underground Surfing
huilée entre une ergonomie de commandes à la fois simple et profonde, un graphisme où l’atmosphère oppressante se retrouve dans les moindres détails ou les attitudes corporelles, et un sound design complètement dévoué à la cause chaotique qu’il sert, qui donne à Carrion cette saveur si unique.
Keep Calm et Carry On
équipés pour vous résister et vous tomberez plus souvent face aux boucliers électriques, lance-flammes et autres drones et méchas de combat que la milice de sécurité emploiera pour vous stopper. L’équilibre entre la résistance des ennemis et votre propre chemin vers la toute puissance est suffisamment bien gérée sur la longueur pour ne jamais nous laisser trop confiant
trop longtemps, sans jamais pour autant nous frustrer. Vers le milieu du jeu, vous tomberez sur des zones où foncer dans le tas n’est plus possible, vous devrez alors étudier en détail la disposition des lieux, les types de dangers présents, et déclencher les bons événements au bon moment pour faire complètement tomber les obstacles. Ce qui est assez fascinant, c’est que quasiment toutes les situations sont abordables de plusieurs manières. Même quand une réflexion initiale est demandée, s’engouffrer dans la brèche créée pour déchaîner toute sa force est souvent possible. Et pour les joueurs indécis, alterner entre les approches discrètes et le carnage bordélique complet est une bonne façon de vivre cette indécision sans complexe. Que vous soyez tapi dans le faux plafond d’un labo, à attendre que le garde armé passe sous la grille d’aération pour prendre son contrôle et défourailler les autres avant d’actionner le levier qui vous ouvrira la porte, ou que vous choisissiez de faire irruption sans ménagement dans la pièce pour bouffer tous ses occupants dans un déluge de giclées de sang, le plaisir à beau être différent, il est aussi intense dans les deux cas.
Flashback
d’énigmes a clairement été concocté par des développeurs eux-mêmes friands du genre mais Carrion ne s’arrête pas à ce joli cahier des charges techniques soigneusement rempli. Sans pour autant proposer une vraie histoire construite où la situation serait complètement expliquée, Carrion vous plongera à certaines étapes du jeu dans des flashbacks où vous cesserez
brièvement d’incarner le monstre pour vivre l’histoire selon un autre point de vue. On y découvrira quelques nœuds importants de l’intrigue qui donneront une profondeur assez inattendue à l’ensemble et creuseront un peu plus l’attachement que l’on éprouve pour cette créature prisonnière qui, même si elle transforme tout ce qui se trouve sur son passage en os broyés et amas de tripaille, provoque très vite la sympathie du joueur. C’est peut-être là que se situe le petit coup de génie qui fait passer Carrion du simple stade de jeu intelligent et bien fichu à celui de véritable expérience émotionnelle. Cette empathie très étrange que l’on développe peu à peu pour cet être dénué de regard et de silhouette, tout en bouches grimaçantes et en
chair à vif, est très particulière à ressentir. Au fur et à mesure que les origines de la créature se précisent, que les gardes la blesse, que les portes de sécurité se ferment devant elle, notre affection grandit pour cette entité monstrueuse. En découvrant les efforts déployés par les humains pour la créer, on se surprend vite à souhaiter que cette aberration incarne au bout du compte leur perte définitive. Les humains violentés de Carrion et le monstre que l’on y incarne partagent finalement ce même but :ils veulent tout simplement vivre.