[TEST] Wayward Strand

Wayward Strand est une quête spirituelle : il vous enseignera la patience, l’émerveillement, l’ouverture aux autres et la sagesse que nos anciens détiennent pour trop peu de temps encore. Plongez dans cette aventure qui fleure bon le ficus, le sirop d’orgeat et les benzodiazépines, montez à bord du Grafin Isabella.

Jeu : Wayward Strand Genre : récit interactif Studio : Ghost Pattern Editeur : Ghost Pattern Date de sortie : 15 septembre 2022 Plateformes : PC, PS 4/5, Nintendo Switch, Xbox One, XBox series x|s Prix conseillé : 16,79 € Jeu Solo Testé sur : PC
Le Grafin Isabella a traversé le temps…

Vous êtes Casey, une petite australienne de 14 ans très introvertie, qui aime la solitude, l’écriture et le dessin. Nous sommes en 1976. C’est l’été, vous êtes en vacances et vous prenez très au sérieux votre travail de reporter pour le journal de l’école. Vous avez un papier à écrire mais votre mère ne supporte plus votre oisiveté renfrognée : vous allez vous rendre utile, pour une fois… Votre mission : vivre trois jours sur un dirigeable transformé en hôpital gériatrique où elle travaille en tant qu’infirmière, et passer du temps avec vos aînés.

Et le temps va passer. Le premier objet que l’on vous donne, c’est une montre. Il n’y a pas d’objectifs, pas de récit, si ce n’est ceux que les personnes qui vivent, souffrent et meurent ici vont peut-être vous confier. Des bribes de vie, entrecoupés de silence, de pudeur, que vous essayez de rassembler avant que l’oubli de la vieillesse de ne les emportent à jamais. Vous espérez résoudre des mystères, parce qu’il y a toujours des mystères sur les vieux dirigeables rescapés de la seconde guerre mondiale, non ? Mais après quelques heures à trainer de cabine en cabine sur les ponts de ce navire volant joliment habillé de boiseries et de verrières, vous comprenez que le seul mystère à résoudre, ici, c’est le mot en 4 lettres de la grille de mots croisés de madame Fitzgerald. Il s’agira de trouver un coussin pour soulager les lombaires de cette vieille dame, lire les nouvelles au vieux monsieur qui ne peut plus bouger, arroser les plantes d’une ancienne actrice dysphasique. L’aventure que vous allez vivre est faite d’évènements du quotidien de personnes de 90 ans. C’était bien la première fois que je devais jouer à côtoyer le cancer, la septicémie, le deuil… et cette expérience quelque peu déroutante m’a tout d’abord plongée dans un profond désarroi.

Pendant 4 heures, je me suis demandée ce que ce jeu me voulait, ce que je devais faire, ce que je pouvais faire… Et c’est exactement ce que se demande Casey. C’est plutôt un sentiment d’impuissance, qui, doucement, va vous serrer le cœur. Finir de vivre est d’une infinie tristesse et les vivant, débordés, incapables de soulager toutes les souffrances, n’y peuvent rien, ou peu. Vous n’avez rien d’autre à faire qu’être là. Ou ailleurs, ça n’a pas vraiment d’importance : la plupart des questions que vous vous posez resteront sans réponse.

C’est une histoire de temps qui passe. On éprouve moralement sa non-continuité : à l’échelle d’une vie humaine, il n’y a pas à tortiller, le temps a un début et une fin. Un début qui devient obscur au fur et à mesure qu’on s’approche de son issue, dans un essoufflement confus et douloureux. Et aussi court que cela puisse paraître, en réalité, c’est bien long et bien fatiguant.
Pour autant, le jeu n’est pas misérabiliste, ni défaitiste : il est nostalgique et se paie même le luxe d’être drôle. La souffrance, le handicap et la perte d’autonomie y sont abordés avec beaucoup d’humanité et la tendresse de ses décors dessinés à la main apportent une douceur réconfortante.

Le gameplay : wait and see

Vous l’aurez compris, on est davantage face à une expérience qu’à un jeu. Je ne peux pas dire que je me sois amusée. A un moment, j’ai même supplié que ça s’arrête. Et je crois bien que c’est le but : vraiment, vous marchez dans les chaussures de Casey. Vous allez beaucoup marcher d’ailleurs. Comme rien ne vous indique ce que vous devez faire, vous allez être à l’affût des petits évènements, vous surveillez les allées et venues, vous guettez l’ouverture d’une porte jusque-là restée fermée et vous attendez l’heure du repas pour entamer de nouvelles discussions.
Marcher… et attendre. C’est une partie intégrante du gameplay : certaines confidences ne vous seront faites que si vous les attendez. Vous griffonnez alors dans votre carnet de journaliste les quelques infos que vous venez de récolter. Le dialogue, c’est le cœur du jeu. Vous aurez quelques rares occasions d’interagir avec les objets de votre environnement, mais l’essentiel passe par les conversations que vous avez avec les personnages. Vous aurez souvent l’impression de rater quelque chose… mais non. Il ne s’est rien passé et même, ce qui devait se produire ne s’est pas produit. Alors… prenez votre temps.

Conclusion

Le studio australien qui a développé et édité Wayward Strand, Ghost Pattern, définit ainsi l’expression qui lui a donné son nom :

Un motif fantôme, c’est la forme de ce qui n’est plus, au milieu de ce qui est toujours là.

Et c’est exactement ce qui définit leur premier jeu : le passé n’est pas vif et éclatant, il a quasiment disparu, il n’en reste presque rien et pourtant, c’est lui qui a fait tout ce qui est aujourd’hui. Wayward Strand est une déambulation dans des vies fantômes, aux motifs ténus et fragiles, c’est une visite dans une mémoire qui flanche, à travers les yeux d’une ado qui se promet à un bel avenir.

Direction artistique
8.5
Animation
4.5
Gameplay
6.5
Musique
8
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Des personnages attachants.
Une DA toute douce.
Un jeu comme vous n'en avez probablement jamais joué...
Un thème sensible, traité avec tendresse.
Jeu entièrement en anglais.
Une animation réduite, pas toujours élégante.
Un jeu très lent, qui peut paraitre une éternité.
6.9