La chambre d'enfant, bien rangée

[TEST] Unpacking

Encore un jeu chill, à la portée de toustes (ses pré-requis techniques mettront du baume au cœur meurtri de celleux qui tournent encore sur Windows 7 : il suffit d’avoir un système d’exploitation) ! C’est le bazar dans votre tête ? Votre vie ressemble à un bac de vrac chez Action ? Votre ex est parti·e en emportant les meubles et la vaisselle ? Vous ressentez le besoin de faire un grand ménage de printemps mais dans votre chambre du CROUS vous en ressortiriez frustré·e ? N’hésitez plus, lancez Unpacking, un ptit jeu du studio indé australien Witch Beam édité par Humble Games, une émanation de Humble Bundle qui se distingue par son approche sociale et caritative de la vente de jeux vidéo.

Jeu : UnpackingGenre : Simulation Studio : Witch BeamEditeur : Humble GamesDate de sortie : 2 novembre 2021Plateformes : PC Prix conseillé : 19,99€

Unpacking ravira vos yeux et vos oreilles, votre cerveau et aussi vos petits doigts. Le but est simple : vous êtes une jeune fille que l’on suit à travers 8 niveaux, de 1997 à 2018 au gré de ses déménagements. Votre rôle est de déballer ses cartons pour ranger ses effets personnels. Le gameplay est minimaliste, tout tient en deux clics : le gauche pour déballer et placer les objets, le droit pour les tourner et activer les objets interactifs (la radio, le micro-onde, le mannequin de bois…). La direction artistique du jeu en pixel art et vue isométrique est colorée, ravissante, très satisfaisante : les livres s’alignent tout seuls, debout ou couchés, les bols s’empilent et les petites culottes ont bénéficié d’un pliage origamique à la Marie Kondo. Au niveau sonore, le souci du détail a été poussé au stade orgasmique : le jeu recèle 14 000 (quatorze mille) fichiers sons et chaque objet émettra un bruit différent en fonction de la surface sur laquelle il est posé…

Une narration environnementale exemplaire et bienveillante

Vous allez donc mettre de l’ordre dans la vie simple et rangée d’une jeune femme, en traversant avec elle ses aléas professionnels et amoureux. Le plus fort, c’est que cette histoire nous est racontée sans dialogues, sans personnages visibles, sans écran de texte à rallonge : ce sont les objets que vous sortez des cartons, ou ceux qui sont déjà présents dans les pièces que vous investissez qui détaillent la vie de notre protagoniste. Et c’est une réussite !

Le hub central du jeu est un album photo, que vous complétez au fil des années et qui vous permet de naviguer dans le temps. Depuis sa tendre enfance à sa vie d’adulte, vous prendrez vite conscience du rôle que tient l’art dans le destin de l’héroïne : les carnets de croquis se multiplient, les boites de crayons sont de plus en plus grosses et finalement vous aurez à gérer les stocks de votre premier album édité ! Son goût pour les jeux vidéo et les livres de fantasy est de plus en plus envahissant, d’autant que vous vivrez régulièrement avec des gens qui partagent vos passions. Les peluches s’abîment, se perdent, vos collections s’agrandissent, vos souvenirs de voyage sont de plus en plus nombreux… Mais ce qui vous touchera vraiment, c’est l’évolution de sa vie sentimentale. J’éviterais de vous spoiler le dénouement du jeu sur ce point, mais le malaise que vous ressentirez en vous installant chez votre premier amoureux sera palpable : il n’y a pas vraiment de place pour vous, il faudra déplacer ses sous-vêtements pour ranger les vôtres et pas moyen de toucher à la guitare qu’il a mise au mur pour exhiber votre diplôme universitaire… Car vous n’êtes pas toujours « chez vous » et la liberté que vous pouvez prendre avec les affaires des autres dépend de la relation que vous avez avec elleux, colocataire, parents ou partenaire amoureux…

Chaque tableau fourmille de petits détails que vous retrouverez ou pas dans les suivants et qui marquent les évolutions de la vie de la protagoniste : une figurine qui reçoit enfin son coup de peinture, un tapis de souris qui s’use, des objets que vous « empruntez » d’un lieu de vie à l’autre, des détails sur sa santé, son goût pour le sport… Prenez le temps d’observer et d’imaginer l’histoire des personnages, un peu comme devant un tableau de Vermeer et ses scènes de genre ou un dessin de Norman Rockwell – version pixel art. Bien sûr, de tableau en tableau, les pièces sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus grandes.

Le salon en colocation.
Revivez la joie de la coloc’ !

Un puzzle sans prise de tête

Le jeu ne présente pas vraiment de difficultés, il n’y a que quelques objets pour lesquels vous vous demanderez, pendant 2 minutes tout au plus « Mais où je vais le mettre ?? » et la réponse que vous apporterez participera à cette narration si délicate, si joyeuse du jeu. D’autres objets ne seront pas forcément identifiables à première vue (le bocal qui fait gling-gling et qui se range un peu n’importe où) et d’autres fois, l’espace sera extrêmement limité. Bien entendu, les casseroles ne se rangent pas dans la penderie et les livres n’ont rien à faire dans les placards de la cuisine, mais si vous le voulez quand même, il y a une petite case à cocher dans les options du jeu pour autoriser le placement libre des objets.

Le salon du couple.
Le seul niveau où vous pourriez vous arracher les cheveux : la cohabitation avec le fan de muscu.

Lorsque tout est déballé et que vous êtes satisfait·e de votre agencement, vous mettez fin au chapitre, les années passent et vous démarrez un nouvel épisode de la vie de la jeune femme. En tout et pour tout, une partie complète vous prendra une paire d’heures, trois au maximum. La durabilité et la rejouabilité du jeu n’est pas folle et son prix est peut-être un peu excessif à cet égard. Le jeu propose toutefois quelques succès à débloquer, que vous pourrez vous amuser à trouver dans les décors suite à votre première partie. Ils consistent essentiellement à faire vivre les lieux : tirer la chasse d’eau, préparer un café, lancer le Game Cube… Huit d’entre eux se débloquent automatiquement à la fin de chaque épisode mais les autres ne seront pas forcément évidents à trouver ! S’ils vous en manquent, vous pouvez jeter un œil à cette playlist.

Bref.

Le jeu ne vous volera pas beaucoup de temps et il ne vous apportera que du plaisir. Il apaisera votre cœur et ses désirs d’ordre et de propreté, tout en ravivant en vous vos souvenirs de jeune adulte prenant possession de votre premier appart. Ou encore cette fois où vous êtes revenu·e en pleurant chez votre mère après cette séparation atroce et où vous avez dû affronter ses « Je te l’avais dit » en mangeant ses lasagnes qui vous avaient tellement manqué.

Ici, on salue une narration bienveillante et progressiste, avec des personnages handis, racisés, homosexuel·e s ET heureux, qui réussissent leur vie et réalisent leurs rêves.

[TEST] Unpacking
Gameplay
10
Sound design
10
Ambiance
10
Narration
10
Rejouabilité
3
Difficulté, challenge
2
Un gameplay fluide.
Des sensations visuelles et auditives trrrrrrès satisfaisantes.
Un design plaisant.
Tout public, toutes configs.
Une histoire progressiste, inclusive.
Un peu court.
7.5