Combat entre la protagoniste et un homme de main.

[TEST] Sifu

Vous avez faim de justice ? Vous êtes en manque d’honneur et de bravoure ? Vous êtes muni·e de patience, d’endurance, vous savez gérer votre frustration, vous ne cassez jamais vos manettes de jeu et vous ne savez pas quoi faire de ces incroyables qualités que, pourtant, tout le monde vous envie ? Jouez à Sifu.

Jeu : Sifu Genre : combat Studio : Sloclap Editeur : Sloclap Date de sortie : 8 février 2022 Plateformes : PC, PS4, PS5 Prix conseillé : 39,99€ et 49,99€ pour la Vengeance Edition PEGI 18 Jeu Solo  Testé sur : PC
Bienvenue dans Sifu.

Mais oui, en France on a des idées ! Après Absolver, le studio Sloclap nous gratifie d’un nouveau jeu de combat pied-bouche, mais cette fois en solo. Pas de multijoueur, donc, mais du corps à corps aussi précis et rugueux que vous pourriez en rêvez, si vous l’osiez. Le jeu n’est pas seulement efficace, il est aussi incroyablement beau, avec des décors oniriques et une animation juste magnifique, il vous propose une expérience visuelle et auditive de première catégorie…

Mais de quoi ça cause, d’abord ? Vous êtes un ou une étudiante en arts martiaux, dont le maître a été assassiné par une bande de vilains sous vos yeux d’enfant. Huit ans plus tard, vous prenez le chemin de la vengeance pour botter des culs dans un monde qui va se révéler, de niveau en niveau (il y en cinq), de plus en plus empreint de mystère et de magie…

Interface feng-shui, combos qui s’enchaînent, mouvements qui varient en fonction de la situation (vous ne tabasserez pas ce PNJ de la même manière selon que vous l’avez acculé contre un mur, en haut d’un escalier ou sur une piste de danse bondée), caméra qui danse pour vous laisser embrasser la beauté de vos propres gestes… vous trouverez avec Sifu un gameplay étonnamment fluide et rigoureux, qui mettra à l’épreuve votre capacité à analyser une situation (est-ce que c’est une balayette ou un bourre-pif qui vous arrive dessus ?) et votre decision making (dommage, c’était une balayette).

L’équipe s’est concentrée sur la qualité des combats, et c’est à peu près tout ce que le jeu a à offrir niveau gameplay, mais croyez-moi : ça vous occupera déjà un bon moment. L’enquête que le jeu propose de résoudre sous la forme d’un tableau d’indices à compléter est anecdotique et ne sert qu’à servir la rejouabilité de cet opus, puisque vous devrez obligatoirement retourner sur vos pas pour en venir à bout. On loot pas, on craft pas, on explore à peine, votre trajet sera à peu près linéaire, vous ne vous perdrez dans aucun dédale, vous ne chercherez pas votre route sur une map sans fin : vous allez m’enfiler ce couloir de la mort comme un·e grand·e, sans pleurnicher après vos doigts qui saignent.

Pour une ambiance plus authentique et des combats plus réalistes, l’équipe de Sloclap s’est tourné vers un spécialiste du kung-fu Pak Mei, Benjamin Colussi, avec qui ils ont tourné en motion capture les quelques 160 mouvements du personnage principal et ceux des PNJ. Le résultat est bluffant de beauté et de précision.

I know the kung-fu

Ma maman me disait (à propos de couture mais bref) : « faire et défaire, c’est encore travailler » et c’est ainsi que va la vie dans l’impitoyable monde de Sifu : casser des gueules et se faire casser la gueule, c’est toujours apprendre le kung-fu. Après des heures de pratique, je le jure, je me mettais à faire des clés de bras et des griffes ascendantes jusque dans mon sommeil paradoxal. La faute à la répétition compulsive des mêmes combos mais aussi à une esthétique quasi hypnotique et un gameplay qui force à l’attention, la précision. Tout en balayant du regard votre environnement pour voir s’il n’y a pas des objets susceptibles d’être balancés, vous surveillez, un, deux, dix adversaires en même temps, une ribambelle qui n’attendent pas leur tour, comme dans les mauvais films, pour vous aligner des pains. Trois mecs qui vous tabassent en même temps dans un coin, des mastodontes inamovibles qui vous acculent de leur pas nonchalant, des types qui vous poursuivent avec des battes, des machettes, des briques, des bouteilles en verre… vous pourriez bien ressortir de votre prochaine session de jeu avec un méchant PTSD et la sensation d’avoir été malaxé·e au cours d’un passage à tabac dans une lessiveuse chargée de cailloux. Oué, c’est la vraie bagarre.

Vous n’aurez aucun souci à retenir la grosse poignée de combos dont votre personnage est capable, le difficile c’est de les placer, avec le bon timing, face au bon adversaire. Tapez, esquivez, contournez, restez mobile ! Ce sont les mêmes patterns qui se répètent devant vous, vous ne tarderez pas (trop) à les identifier et à réagir de la bonne manière. Il faudra aussi désapprendre : si vous avez eu le malheur d’automatiser un enchainement pas si performant que ça, vous allez en baver pour vous amender : Sifu est un jeu de rythme, de réflexes, qui vit dans vos doigts plus que dans votre cerveau.

Ce qui ne te tue pas te rend plus fort : oui mais non

La vraie originalité de ce gameplay, c’est son système de vie-mort-vie. Dans Sifu, vous ne mourez pas, vous vieillissez, grâce à un talisman magique que vous portez à la taille et qui se consume lentement, à chaque mort… Vous finirez donc par mourir lorsque ses 5 pièces d’or (pour 5 décades) seront toutes brisées (et donc si vous dépassez l’âge vénérable de 70 ans), mais ça peut prendre du temps…

Votre barre de santé est plutôt riquiqui et peut se voir réduite à rien en quelques calottes ; or il n’y a que deux façons de la régénérer : en passant par des sanctuaires qui la rétablissent entièrement et en achevant vos ennemis, ce qui la fait remonter de quelques unités. Prudence donc. Impossible de foncer dans le tas, il y a toujours un moment où l’ennemi va réussir à arrêter vos coups et vous les renvoyer à la tronche ; vous allez devoir perfectionner la parade et l’esquive, qui font partie intégrante du gameplay. Il n’y a pas que votre barre de santé qui détermine votre solidité : il y a aussi votre barre de structure, qui représente votre capacité à encaisser les coups ; elle diminue à chaque fois que vous prenez ou parer un coup et lorsqu’elle se brise, vous prenez cher, très cher. Vos ennemis sont dotés des mêmes jauges et vous pouvez les mettre à terre avant d’avoir anéanti leur barre de vie, il suffit de mettre à zéro leur structure. Le jeu vous propose alors des finish follement stylés mais attention : certains ennemis en profitent pour se transformer en super-sayan véner, bien longs et biens durs à amocher.

Et si vous votre santé tombe à zéro, alors… vous mourez… puis vous ressuscitez immédiatement là où vous êtes mort·e, au milieu du combat que vous étiez en train de perdre, mais avec un an de plus dans les gencives. Et ces années de vie s’accumulent. Si vous mourez une seconde fois, vous perdez deux ans de vie. Vous êtes donc passé de 20 ans à 21 an, puis à 23 ans. Et songez-y : si vous n’arrêtez pas de mourir au pied du même ennemi, c’est par décades entières que votre belle jeunesse s’évapore.

Certains combats (boss, mini-boss et ennemis enragés) vous permettent de faire baisser ce compteur et si vous vous débrouillez bien, vous ne perdrez vos années qu’une par une (et si vous vous débrouillez très très très bien, vous ne mourrez pas du tout, cela va sans dire).

Avec les années, vous gagnez en puissance, certes, mais vous perdrez en résistance : votre force augmente mais votre barre de vie raccourcit. A 20 ans, vous êtes donc la version la moins performante MAIS la plus endurante de vous-mêmes. Ne rechignez pas à jouer même si vos 20 ans sont loin : c’est sympa aussi de mettre des mandales qui one-shot.

Notez également qu’il n’y a pas de sauvegarde au sein d’un niveau. Il y a bien des checkpoints à l’issue de certains combats un peu lourds qui vous permettent de reprendre là où vous vous êtes arrêté si vous avez quitté le jeu, mais si vous abandonnez ou que vous finissez par mourir, il faut reprendre au début du niveau. Git Gut ! Ensuite, le jeu enregistre le meilleur âge à l’issue de chaque niveau, vous commencerez donc le suivant à cet âge, même si en rejouant vous faites moins bien.

L’arbre de compétences, arbre de vie

Dans le jardin de votre héro·ïne pousse un petit cerisier… c’est l’arbre de vos compétences. Au fil de vos combats vous gagnerez des points d’expérience, qui vous permettent d’acheter de nouvelles compétences : nouveaux combos, nouveaux coups de focus (des coups imparables), nouvelles parades… qui sont toutes très utiles et vont amender significativement votre kung-fu. Il faut toutefois les acheter plusieurs fois pour qu’elles deviennent permanentes (3 à 5 fois chacune, avec un nombre d’XP variable), sans quoi vous les perdez en fin de vie. Cela représente BEAUCOUP de points d’XP, donc ne les gâchez pas : n’abandonnez pas tant que vous n’avez pas débloqué celles qui vous intéressent ! Allez mémé, tape dans le dur !

Les compétences les plus intéressantes, à déverrouiller en premier

  • Focus – balayage puissant : met votre adversaire au sol, pour enchainer avec une attaque basse ou écarter momentanément un ennemi quand ils sont nombreux.
  • Interception d’arme : vous permet d’attraper au vol un projectile pour le renvoyer à votre tour ou taper avec.
  • Maître de l’environnement : permet de jeter au visage de vos adversaires à peu près tout ce qui traine.
  • Crochet d’interception : permet d’encaisser les coups en le réalisant.
  • Glissade : une très bonne entrée en matière à tout combat.
  • Maitrise des armes : allonge la durée de vie de vos armes, à coupler avec la récompense correspondante pour une efficacité maximale.

 

Au fil du temps, vous verrez votre arbre grandir, et c’est très joli, voilà. Autre détail complètement anecdotique qui matérialise le passage du temps : vous ne prenez pas seulement plus de rides et de cheveux blancs, votre personnage va également adopter un nouveau style vestimentaire à chaque décade : les chemises se ferment, les manches s’allongent. Bref, vous devenez lentement mais sûrement un boomer. Marrant.

Sifu : les âges de la protagoniste.
Les différents âges de la protagoniste. Source : Guillaume Loquin sur Artstation.

La durée de vie du jeu et sa fin « secrète »

Bah déjà arrête de te la péter, il faut quand même un moment avant de maitriser le jeu et les niveaux offrent toujours un challenge supplémentaire : ennemis plus nombreux, plus retors, boss qui rendent fou (la nénette dans la neige, lààààà). Donc du temps il vous en faudra pour en venir à bout une première fois. Difficile à quantifier : ça dépendra vraiment de la jeunesse de vos réflexes (moi je suis vieille, ça a été compliqué, la run de Bob Lennon m’a rendue MALADE), disons une dizaine d’heures. Une fois la maîtrise acquise et en prenant tous les raccourcis, une run complète peut se finir en quelques dizaines de minutes, ce n’est pas très long, c’est l’apprentissage qui va vous voler du temps !

Sifu : le boss du musée
Kuroki va vous faire vivre un enfer…

Ensuite, vous pourrez rejouer pour compléter le tableau d’enquête, il faudra donc refaire tous les niveaux : quelques heures de plus.

Enfin, il existe deux fins à Sifu : la fin classique, « mauvaise », consiste à tuer les boss pour assouvir votre vengeance. Mais vous pouvez aussi prendre la voie de la sagesse et les épargner, un par un, ce qui débloquera une fin différente. Pour cela, vous ne devrez pas céder à la tentation du finish devant eux, mais, lors de la seconde phase de chaque combat, rompre leur jauge de structure, une option « épargner » s’affichera alors. Seulement, pour rompre leur structure sans les tuer, il faut y aller mollo, arrêter de cogner et se « contenter » de parer, ce qui n’est pas si évident compte tenu des patterns particuliers dont jouissent les boss et de la précision qu’il faut pour parer.

Au final, ça donne une durée de vie et un niveau de challenge franchement pas dégueu.

Quelques tips pour ne pas se faire de cheveux blancs

  • Apprenez à esquiver et parer. L’esquive est facile, plutôt permissive niveau timing et remonte votre barre de structure. La parade est beaucoup plus dure, le timing est impitoyable ET elle entame votre barre de structure MAIS elle fait baisser celle de l’adversaire ! Personnellement, j’ai déplacé la touche d’esquive sur la gâchette gauche (L2), où elle est plus accessible que sur L1 (inversion avec la touche de focus). Esquiver permet également de faire monter votre multiplicateur de points (jusqu’à X5, et il diminue à chaque fois qu’on vous touche). Plus de points, c’est plus de compétences à débloquer !
  • Farmez. Le jeu est beaucoup plus facile avec les compétences déverrouillées. De toute façon, vous referez les niveaux plusieurs fois, ne vous inquiétez pas pour ça.
  • Provoquez vos ennemis. Avant d’engager un combat, et cela autant de fois que vous le voulez, appuyez sur la flèche directionnelle gauche : votre personnage va alors faire un petit mouvement de la main qui va énerver votre adversaire et augmenter votre multiplicateur de points.
  • Combinez vos compétences avec les récompenses de sanctuaires, en fonction de votre manière de jouer : au début vous apprécierez la récompense « PV gagnés après une mise à terre » qui préservera votre barre de vie. Explorez ensuite les récompenses « durabilité des armes » ou celle qui vous permet d’allonger votre barre de focus par exemple.
  • Faites baisser le compteur. Diminuez vos nombres d’années de vieillissement à chaque mort en affrontant certains ennemis ou en les laissant se transformer en super-sayan. Enfin, avant un boss que vous ne maitrisez pas encore, choisissez la récompense qui permet de remettre le compteur à zéro dans le sanctuaire qui le précède.
  • Éviter les ennuis. A l’inverse, vous pouvez éviter certains combats : tout le monde n’en a pas après vous ! Certains PNJ ne sont pas agressifs, on les reconnait au fait qu’ils ne vous agressent pas… D’autres ne sont accessibles que si vous les cherchez (la pièce secrète du second niveau) ou encore n’engagent le combat que si vous choisissez cette option de dialogue.
  • Repérez les balayettes. Vraiment. Elles s’annoncent toujours par un mouvement particulier de votre ennemi et vos réflexes d’esquive ont la vie dure : c’est presque toujours vers le bas, sauf quand c’est vers le haut…
  • N’en voulez pas trop. On le répète : ne foncez pas dans le tas. Donnez quelques coups, puis préparez-vous à parer / esquiver. Les ennemis ont des patterns plutôt faciles à déterminer (sauf les boss, leurs patterns sont de plus en plus complexes, longs et nombreux), attendez qu’ils les terminent et repartez à l’attaque. Prenez votre temps.
  • Positionnez-vous correctement, c’est-à-dire pas dans les coins, ni près des murs (parfois la caméra galère et perdre de vue le combat c’est dommage), dégagez-vous de vos ennemis quand ils vous encerclent.
  • Enfin, rejouez les niveaux. Le jeu enregistre le meilleur âge auquel vous finissez chaque niveau, mais aussi les récompenses que vous avez débloquées à ce moment-là. Pour commencer le niveau suivant plus jeune, ou avec des récompenses plus intéressantes, pas le choix, il faut refaire TOUT le niveau (voire LES niveaux) précédent.

Pour conclure

Le jeu est terriblement beau, fluide, avec un gameplay réactif super satisfaisant et très exigent. Il va falloir devenir bon, très bon si vous vous mettez en tête de finir le jeu à l’âge auquel vous l’avez commencé, 20 ans. Et si vous ne vous fixez pas ce genre d’objectif complètement puéril (hum), alors foncez ! C’est parfaitement réalisable mais il faudra quand même s’engager un peu (non, beaucoup) dans la pratique. Quelques jours passés loin du jeu suffisent à perdre les réflexes nécessaires, à oublier les patterns et les timing…

On adore l’esthétique et la mise en scène carrément cinématographique (oui, tout le monde a repéré la référence à Old Boy dans le couloir du premier niveau) qui vous procure un réel plaisir à vous faire taper dessus.

Et pour retrouver les tips qui vont bien en vidéo pour trouver tous les raccourcis, tous les éléments du tableau d’enquête et même un peu plus, j’ai entamé ici une série de vidéos playthrough niveau par niveau.

Gameplay
9
Direction artistique
9.5
Animation
9.5
Musique et sound design
9.5
Un gameplay exigent, pour des combats précis et jouissifs.
Des décors à tomber par terre, une DA hyper soignée.
Une ambiance musicale aux petits oignons, signée Howie Lee.
Une animation fluide et rigoureuse.
Un jeu terriblement addictif ! Parfait si vous n'avez pas vraiment de vie sociale.
La caméra a tendance à se coincer dans les coins, mais pourquoi vous vous battez dans les coins, aussi ???
Un jeu terriblement addicitif ! Si vous avez une vie sociale, évitez.
Le scenario est réduit à l'essentiel, et franchement, j'ai hésité à mettre ça dans les points faibles parce que ça fait le taff mais breeeef.
9.4