[TEST] DREDGE, en voguant sur le mystère

Temps de lecture estimé 7 minutes

Les jeux où l’on peut piloter un bateau sont tellement rares que je n’ai pas hésité à me pencher sur DREDGE. Il faut avoir l’âme navigatrice pour découvrir tous les secrets de ce jeu indé. Si c’est votre cas, ne passe pas à côté de cette pépite.

Il y a de ces jeux où le nom n’évoque rien, ni ne fait envie. Sans les visuels du jeu, je n’aurais probablement jamais mis les mains dessus. Rien que la vue d’un petit bateau stylé m’a mis une étincelle dans l’œil, et lorsque j’ai vu les cinématiques, je n’ai pas pu résister. Comme je le disais plus haut, les jeux où l’on pilote un bateau sont rares, donc pas question de me priver.

On commence l’aventure sans trop bien savoir comment on a atterri sur cet archipel, vraiment, mais vraiment paumé. Le maire nous accueille les bras ouverts, mais aussi l’ardoise bien tendue. Le bateau de l’ancien pêcheur vous est offert, mais il va falloir le rembourser. Et oui, l’accueil n’était en fait pas gratuit.

Quelques poissons pêchés par là, d’autres poissons revendus par là, voilà votre dette remboursée. Maintenant que faire ? Il va falloir pousser un peu sa curiosité et parler aux habitants. Parfois, on vous donnera des indices, des astuces pour vous guider et rapidement, vous comprenez qu’il va falloir farmer un peu si on veut avancer sereinement dans le jeu.

Lorsque je dis farmer, oubliez les centaines d’heures à faire la même chose. Dredge regorge d’ingéniosité pour nous pousser à l’exploration et à toujours vouloir le meilleur matériel et le plus diversifié pour parcourir toutes les mers et pêcher toutes les espèces. Au fil du jeu, vous serez plus guidé·e pour pêcher efficacement et surtout utiliser votre temps de la façon la plus optimisée.

Le temps vous est compté sur Dredge, puisque la nuit les éléments ne sont plus vraiment les mêmes. La visibilité est quasi inexistante, vous êtes fatigué et stressé. Vous voyez des choses qui n’existent pas dans la mer, ou peut-être bien qu’elles existent parce que subitement votre bateau prend des dégâts et vous voilà en 30 secondes à reprendre la sauvegarde la plus récente après un game over. Oui, c’était rapide, la mer ne pardonne pas les erreurs.

Et des erreurs, vous allez en faire pas mal au début. Oups, j’avais pas vu ce rocher, oh comme il est joli ce vers avec son gros œil jaune, super un bateau échoué et en fait non, c’était un crabe géant qui a défoncé le bateau avec ses pinces. Le danger ne se compte plus sur Dredge sans oublier la nuit qui viendra vous envouter de son ambiance à la Lovecraft. Il faut donc redoubler de vigilance et une mauvaise manipulation des manettes vous entrainent vers ce rocher que vous pensiez avoir évité de justesse. La coque de votre bateau est fragile, heureusement que vous pouvez la faire réparer et ensuite l’améliorer, mais pour cela il vous faudra beaucoup d’argent et beaucoup de matériel.

Vous avez de l’argent en pêchant et en draguant, une fois que vous avez débloqué l’équipement nécessaire. Vous allez trouver toutes sortes de trésors que vous pourrez revendre. Certains trésors vous procureront un bonus temporaire, mais qui peut être à double tranchant s’il est trop utilisé.
Vous allez aussi pouvoir accomplir quelques missions pour les personnages que vous rencontrerez au fil de l’aventure.

Lorsque vous vous échouez, vous oubliez déjà qui vous êtes et ce que vous avez fait avant. Ne comptez pas trop sur l’accueil des habitants qui sont là sans vraiment avoir l’air de l’avoir choisi. Rien ne les intéresse et vous n’en saurez pas plus d’eux. Certains sont ici uniquement pour faire du business, d’autres se méfie des étrangers un peu trop curieux. D’autres encore vous poussent à explorer ce que la mer leur cache, comme si vous étiez un élu, et enfin d’autre encore ne sont là que pour essayer de tirer un peu de positif de leurs mésaventures. Vous vous demandez donc ce qu’il a bien pu arriver à tous ces habitants. Il se cache un mystère qui est déjà très visible si vous arpentez la mer de nuit. Mais en plus, certains habitants ont des comportements très spéciaux et vous demandent de leur ramener des espèces de poissons étranges. Ces poissons semblent possédés, tous sont différents physiquement et présentent plus anomalies. Il en dégage une atmosphère inquiétante qui change le comportement des gens trop curieux.

Vous rencontrez aussi des personnages qui ont vécu des drames terribles et qui portent un lourd passé. Bref, c’est pas vraiment Ibiza vous voyez. L’ambiance est lourde, les graphismes et les ambiances colorées passent d’un magnifique bleu provençal le jour, à une terrifiante couleur violette la nuit et un noir profond. L’étrange et le paranormal se côtoient pour vous faire chavirer et même vous rendre fou. Il vous faudra dormir sur Dredge, il est indispensable de repérer les pontons où vous pouvez accoster et passer la nuit avant de partir à l’aveuglette.

Un bon sens de l’orientation vous sera vital et je vous jure que j’en ai un bon, mais en pleine mer avec des îlots qui se ressemblent, c’est vraiment pas facile. La boussole vous aidera à vous orienter sur de grandes distances pour garder le cap, mais votre plus grande alliée sera la carte qui ne reste malheureusement pas affichée en raccourci. Il faut toujours aller dans la cabine via un menu pour la sélectionner. Heureusement, le temps n’avance que lorsque vous bougez le bateau. Attention alors à bien vérifier la carte et le cap, avant de prendre une direction si vous êtes proche de la nuit.

Avec des graphismes plutôt en vogue en ce moment, Dredge ne se démarque pas par sa pâte graphique. Il est très agréable visuellement, mais manque un peu de caractère pour les paysages. Là où le graphisme montre sa vraie personnalité et le côté torturé du jeu, c’est à travers les personnages des îles que vous allez rencontrer. Ils sont à la limite d’un mouvement bien connu : le cubisme, surtout retranscrit à travers certaines œuvres de Picasso. Il y a un côté déstructuré qui ressemble à des pièces de puzzle déplacées, voire perdues au cours de la vie des personnages, mais qui essai tant bien que mal de les reconstituer. C’est un choix graphique qui m’a vraiment marquée la première fois que j’ai vu un personnage. Alors que les paysages des îles sont plutôt propres, les PNJs viennent complètement casser ce côté lisse pour montrer leur côté torturé à l’extérieur.
Dérangeant au début, je les ai trouvés finalement incroyable de réalisme et complètement ancrés dans cet univers qui passe du magnifique au lugubre.

L’ambiance sonore

n’est pas en reste puisque quelques musiques viennent s’ajouter à vos activités lorsque vous êtes à quai. La musique se coupe complètement lorsque vous êtes en mer pour laisser la nature, vous imprégnez de son existence. Le moindre petit clapotis vous permet vraiment de vous immerger. Bien que peu visibles, quelques mouettes viendront parfois vous sortir de cet état d’apaisement que procure le son de la mer.

Le gameplay

est innovant et pourtant il reprend des codes bien connus à travers les mini-jeux pour pêcher. Rien de compliqué pour la navigation bien que j’aurais bien aimé une petite manœuvre pour sortir et entrer au port et démarrer et arrêter le moteur. Le bateau est très maniable. Il est frustrant, au tout début, de mettre quasiment la journée pour faire quelques mètres. Mais remplacer rapidement votre moteur vous permettra par la suite de traverser plusieurs lieux de la carte en une seule journée. Il ne faut pas avoir peur de faire beaucoup de commerce au début pour changer rapidement le matériel et partir plus loin.
Vous pourrez aussi pêcher des espèces plus rares pour les revendre plus chères.

La nuit, vous serrerez des fesses

Parfois, certaines créatures qui gardent jalousement certaines zones pleines de ressources viendront vous attaquer de façon régulière. Vous apprendrez à les éviter, à connaitre leur spot et leur tour de garde.
La nuit en revanche reste angoissante même après des heures de jeux. Mortelle et sans pitié en début de jeu, vous n’aurez d’autres choix que de quitter la mer pour vous mettre à l’abri à quai et vous reposer. Sinon, vous ne survivrez simplement pas. Même en insistant, hein vraiment, ne tentez pas.
Au fil de vos améliorations, le jeu vous pousse à sortir aussi la nuit, vous maîtriserez un peu plus votre stress, vous pourrez pêcher des espèces qui ne sortent que la nuit.
Mais l’ambiance dérangeante, horrifique est toujours la même. C’est quelque chose qui vous envoute visuellement et presque physiquement. Un malaise, une étrangeté indescriptible sans l’avoir vécue. Encore je m’estime heureuse que l’ambiance sonore soit soft la nuit. Je me souviens avoir écouter un audiobook de Lovecraft lors d’un trajet en train. Je vous promet que j’en menais pas large. A un moment j’ai même regardé si les autres passagers entendaient aussi ces sons étranges et inhumains, bien sûr que non hein, c’était juste l’histoire et surtout l’ambiance sonore qui m’avait trop bien embrigadée. Si vous souhaitez tenter l’expérience Lovecraft voici un audiobook. Sinon je vous conseille aussi les Montagnes Hallucinées par Gou TANABE qui retranscrit par le dessin cette fois toute l’ambiance extrêmement pesante de Lovecraft.

Dredge, on prend le large ?

Pour moi, c’est un grand oui. Déjà par le parti pris du chalutier. Les jeux où l’on pilote un bateau se font trop rares. L’histoire et l’ambiance sont vraiment réussies. Tout est innovant et vous fera parfois un peu chercher. Il ne faut pas avoir peur d’explorer mais à condition d’avoir un bateau solide. Il existe un mode passif, où l’on peut se balader sans se faire attaquer, mais le mode normal ajoute vraiment du piment au côté agréable de la navigation et du temps qui passe extrêmement vite. La durée de jeu dépendra de votre rapidité, si vous fouillez bien tous les recoins, comptez largement entre 10 et 20 heures de jeu.