[TEST] Alfred Hitchcock – Vertigo

Jeu : Alfred Hitchcock – VertigoGenre : ThrillerStudio : Pendulo StudiosEditeur : MicroidsDate de sortie : 16 décembre 2021Plateformes : PC (Steam & GOG), sortira sur PlayStation 5, PlayStation 4, Xbox Series X|S, consoles Xbox One et Nintendo Switch en 2022.Prix conseillé : 29,99€
Personnage principal gisant sur le sol
Tout commence par terre.
Une psy et Alfred Hitchcock sont dans un cinéma
Une psy et Alfred Hitchcock sont dans un cinéma…

Développé par Pendulo Studios et édité par Microids, le jeu porte une ascendance plutôt intimidante. Il s’agit d’une adaptation (très libre) d’un monument du cinéma, le film Sueurs froides d’Alfred Hitchcock (Vertigo étant son titre original), sorti en 1958, qui a depuis eu le temps de se hisser au panthéon des meilleurs films jamais produits… Ce petit bijou cinématographique était lui-même inspiré d’une œuvre des auteurs Boileau-Narcejac, D’entre les morts, édité 4 ans plus tôt… lui-même inspiré d’un chef-d’œuvre, le roman poétique et symboliste Bruges-la-Morte, de l’écrivain belge Georges Rodenbach, paru sous forme de feuilleton en 1892 dans les colonnes du Figaro. Cette parenté revendiquée constitue l’ADN esthétique du jeu : on retrouve les thèmes chers au symbolisme – la solitude, l’angoisse de la mort, la figure de la femme fatale, la maladie et la folie qui confinent à l’occulte – ainsi que son ambiance : une profonde contemplation, la lenteur du récit et une dépression rampante ; la mise en scène joue enfin avec son hérédité cinématographique et côté récit, il porte son héritage hitchcockien en bandoulière. Sauf que… n’est pas Hitchcock qui veut.

Le gameplay

Allons droit au but : ce jeu est atrocement frustrant. Il est plutôt bien, en vrai, mais quelle purge à jouer de bout en bout… Je n’avais jamais vu le film d’Hitchcock, et donc je ne m’attendais à rien, mais je crains que les admirateurs du Maitre repartent encore plus déconfits. Le suspense est bien présent, mais c’est une torture sans excitation d’attendre la résolution du mystère. Comptez une dizaine d’heures pour en venir à bout, en vous armant de votre meilleure patience sans quoi la manette vous tombera des mains. « L’enquête » à laquelle vous êtes censé vous prêter se déroule sans que vous n’ayez grand-chose à faire, encore moins à réfléchir. Pas d’énigme à résoudre, peu de détails à chercher qui pourrait vous échapper ou même de petits puzzles malins pour vous divertir. Le jeu est émaillé de QTE trop rares, trop courts, trop abrupts, que vous avez 90% de chances de rater si vous avez éloigné vos mains de la manette, ce qui va fatalement arriver après de looooongues minutes sans que vous ne soyez sollicité. C’est le principal défaut du jeu : vous ne jouez pas souvent. Les décors sont pauvres, les indices peu nombreux et les actions qu’on vous invite à faire confinent régulièrement au ridicule, avec des missions franchement pétées du type remettre du papier dans l’imprimante ou ranger les courses dans le placard. Comment ça 36 allers-retours pour moudre ce pauvre cacheton dans un verre d’eau, seriously ??

Les séances d’hypnose sont le point fort du jeu, ou du moins devraient l’être : elles sont minoritaires dans la durée, pas très fonctionnelles en terme de gameplay et consistent, surtout, à revoir pour la seconde, la troisième, voire la quatrième fois la même scène, alors que seules deux versions nous intéressent : le fantasme et la réalité.

Le titre reprend des mécaniques que vous avez déjà vues ailleurs, à savoir une gestion de l’environnement à la Quantic Dream pour les QTE et l’exploration des scènes d’hypnose (Detroit : become human), les récits à choix de Telltale pour les dialogues (The Wolf among us ou The Walking Dead) et les ambiances de thriller à la Dontnod (Life is Strange), mais sans exploiter les caractéristiques de ces types de gameplay : il n’y a pas grand-chose à trouver dans les décors et il n’y a qu’un seul choix à faire en réalité une fois que vous avez épuiser tous les mauvais, qu’une seule décision à prendre dans chaque chapitre. Vous ne pouvez pas vous tromper et le récit vous est servi dans l’ordre sur un plateau, entrée, plat, fromage, dessert, sans bifurcation, sans alternative. D’où une sensation de platitude ennuyeuse, qui va en s’intensifiant au fil des heures, accentuée par la longueur des écrans de chargement, (entre les chapitres, entre les sous-chapitres, entre les déplacements, entre les séances d’hypnose…) et les inénarrables dialogues.

Le récit et sa « mise en scène »

Le récit est pourtant assez réussi (si on met de côté les extravagances scénaristiques, les scènes improbables et l’humour rudimentaire) : j’avais vraiment envie de comprendre ce qui arrivait au personnage principal. Cet odieux connard m’inspirait, de base, assez peu de sympathie mais son histoire m’a accrochée : Ed Miller est un écrivain en plein PTSD, qui a perdu l’inspiration, l’équilibre et toute vie sociale, pour se consacrer exclusivement au cynisme suite à une série d’accidents, de disparitions et de meurtres dont la chronologie et la nature restent à élucider.

Les personnages sont relativement bien écrits – pour des clichés. On suit principalement Ed Miller, l’écrivain, doublé en français par Bernard Gabay, la voix régulière de Robert Downey Jr notamment dans ses rôles de Tony Starck, l’Iron Man de Marvel. Cette parenté sonore n’est pas fortuite : c’est bien à ce même salopard, riche, imbu et désabusé qu’il va falloir s’attacher. Le jeu vous propose de prendre en main d’autres personnages et le reste du casting est à l’avenant, avec des véritables acteurices et professionnel·les du doublage, comme Maïk Darah (la voix de Madonna, Whoopi Goldberg ou encore Viola Davis) dans le rôle de la psy (un autre personnage bien réussi), Michel Vigné (la voix de Mickey Rourke et Michael Wincott et à l’occasion celle de Nick Nolte, Patrick Swayze, Steven Seagal, John Travolta…) ou Camille Donda. On pourrait s’attendre à du beau jeu MAIS, rappelez-vous, ce jeu est frustrant, donc oui, c’est bien joué mais la synchronisation labiale est épouvantable, les personnages parlent dans le vide et la diversité de leurs expressions faciales ne sont pas du tout à la hauteur des prétentions filmographiques que le jeu tente de se donner. Regarder Ed Miller jouer l’étonnement pendant 47 secondes en ouvrant juste la bouche en silence, c’est rude.

D’ailleurs, puisqu’on parle de prétentions filmographiques… Oui oui, vous aurez droit à votre dolly zoom et d’autres références à l’œuvre d’Alfred (son caméo, les oiseaux, l’ombre derrière le rideau de douche), à quelques panoramas sur les étendues arides de la Californie et des effets de manche propres au cinéma, mais la technique ne suit pas. La 3D est tout juste OK et mettra votre machine à rude épreuve sans vous payer loyalement en sensations et éblouissage de mirettes. Et même, des fois, c’est franchement dégueu.

L’ambiance et l’esthétique

Je vais aller vite parce que je n’ai pas envie d’être méchante. Le chara design est à la limite du tolérable. Il m’a fallu quelques vingtaines de minutes pour m’y faire, avec, de temps en temps, lorsque de nouveaux personnages étaient introduits, des remontées acides difficiles. Le parti-pris n’est pas trop réaliste, heureusement, c’est très coloré, parfois onirique et on se déplace dans les décors avec relativement de plaisir. Les jeux de lumières sont assez réussis (les passages de l’extérieur, très lumineux, aux espaces intérieurs plus sombres), au prix de quelques bugs discrets.

La musique vous plonge dans l’ambiance d’un thriller des années 50, ce qui provoque un petit décalage avec la réalité contemporaine du récit pas totalement désagréable.

L’ambiance « thriller », enfin, est tout juste bonne. Franchement, j’avais envie de savoir, mais j’avais aussi envie que ça se finisse… le rythme est fondamentalement mal géré et les scènes qui devraient nous tenir en haleine tombent à plat. Mais elles sont là, pas complètement dérangeantes. Ce jeu vous promènera sur le chemin de l’acceptation, de la patience. De la résignation. L’attente, c’est une forme de désir, non ?

Je ne vais pas être vache : histoire de vous montrer à quel point ce jeu pourrait être chouette, voici une petite vidéo de l’intro et des deux premiers chapitres du jeu (en vous faisant grâce des temps de chargement), qui ne vous spoilent rien mais vous mettront avantageusement dans l’ambiance !

Conclusion

C’est à juste titre que certains ont qualifié ce jeu de « crève-cœur » : ses ambitions sont trop lourdes à porter et ses promesses impossibles à tenir. Mal canalisé, il offre une expérience frustrante, avec quelques fulgurances, quelques instants de fluidité et de plaisir dans la trame narrative, mais il nous perd par sa longueur et ses mécaniques inabouties.

Animation, graphismes
3
Scénario
6
Ambiance
4
Gameplay
2
Soundesign, musique
3
Difficulté, challenge
1
Alors ton avis ?0 Note
0
Jeu d'acteurs professionnel.
Le scenario est plutôt plaisant à découvrir. Les phases d'hypnoses sont sympas.
Quelques personnages bien écrits.
Synchro labiale aux fraises.
Animations faciales cauchemardesques.
Le rythme donne envie de mourir. Temps de chargements longs et nombreux.
Les décors sont vastes et manquent pourtant d'envergure.
Gameplay désagréable, inopportun, anecdotique.
3.2