End of Lines : sur le fil de la fin du monde

Depuis 2013, les studios Nova-Box développent et éditent des fictions interactives, pour iOS tout d’abord, puis sur PC (Echoes, Orphan Age Diaries, Along the Edge, Seers Isle, Across the Grooves). Joliment illustrés par Nicolas Fouqué, ces jeux narratifs sont autant de voyages intérieurs, de périples tourmentés et de vies qui se cherchent.

Avec End of Lines, sorti le 25 mai 2023, l’équipe vous propose de faire un pas de plus en direction de vous-même ; il vous touchera en plein cœur en construisant une histoire sensible et désespérément réaliste, autour d’un thème incroyablement angoissant : le réchauffement climatique.

Préparez-vous à tout perdre, à lutter sans fin et à vous enfoncer dans une série de décisions sans retours possibles où vous vous tiendrez sur le fil de la vie entre souvenirs et lendemains fiévreux.

Jeu : End of Lines Genre : fiction narrative Studio : Nova-Box Editeur : Nova-Box Date de sortie : 25 mai 2023 Plateformes : PC Windows/Mac/Linux, Nintendo Switch PEGI 16 Prix conseillé : 13,99€  solo Testé sur : PC Steam
Sous le soleil brûlant de la fin du monde.
Sous le soleil brûlant de la fin du monde.

En lançant End of Lines, vous pouvez abandonner toute espérance : l’effondrement a eu lieu et vous devez prendre la route pour ne pas mourir sur place. Vous laissez derrière vous votre clan pour arpenter un monde sec et désolé où ne subsistent que mort et violence. Si vous n’êtes ne serait-ce qu’un tantinet éco-anxieu·se, End of Lines vous fera du mal.

De ce monde ravagé, on ne distingue plus qu’une géographie déchirée, des ruines en forme de tour de Babel où vous ne comprendrez pas celleux que vous croiserez. Vous ne saurez jamais à qui accorder votre confiance et si les sacrifices que vous faites auront servi à quelque chose. Vous n’avez qu’une idée en tête : permettre à Sam, l’enfant de votre misérable petite troupe, de survivre.

Succession de tableaux, de carrefours, de haltes et de rencontres, cette épopée sans gloire est un déchirement constant, entrecoupée de souvenirs au bord du gouffre, d’humour dérisoire et d’amour, un peu.

Les lignes évoquées par le titre du jeu renvoient à la fois aux vies dont vous avez la charge, lignes qui se croisent, se séparent ou s’arrêtent, mais aussi à la carte que possède le narrateur au début du jeu et sur laquelle sont consignées les différentes routes qui vous mèneront… on ne sait pas, ailleurs ? Vous n’avez pas accès à cette carte (et c’est dommage, pouvoir planifier nos déplacements aurait été un vrai plus dans le jeu), vous prendrez donc vos décisions à l’aveugle. Vous n’avez ni guide ni indices, si ce ne sont les visions fantomatiques et les pressentiments qui hantent votre fils Sam. Pour vous faire une idée du vide dans lequel vous vous trouverez, imaginez devoir choisir entre traverser une nuée de criquets qui terrorise la femme enceinte de votre groupe ou rejoindre une ville dont Sam vous assure qu’elle est en proie à la guerre.

La peste, le choléra, tout ça. Vous ne savez jamais ce que vous gagnerez, vous ne savez jamais ce que vous allez perdre, si vous serez les proies ou le bourreau. Vous aurez toutes les peines du monde à rester dans le droit chemin, harcelés par la faim, la chaleur et la maladie.

End of Lines offre plusieurs fins et en fonction de vos choix, vous ne ferez pas le même voyage d’une partie à l’autre. Votre périple durera quelques heures tout au plus, le jeu étant constitué d’une introduction, de quelques chapitres et d’un épilogue, mais il sera assez éprouvant pour que vous ne souhaitiez pas tout de suite relancer les dés.

Le lion, la panthère et la tahouri

Dans End of Lines, le gros du gameplay est constitué par des tableaux narratifs où vous êtes amenés à décider de la suite des évènements : chemin à prendre ou réponse à formuler.

Comment vous comporterez-vous face à l’adversité ? End of Lines entame son récit avec un conte touareg, Le Lion, la Panthère, la Tahouri et le Chacal (dont vous pouvez trouver une version ici) qui vous initie rapidement à la philosophie du jeu.

Les choix que vous ferez seront placés sous les augures de trois animaux, qui représentent les trois principaux protagonistes. Nora est la lionne du groupe : courageuse, fonceuse, elle protège votre clan et n’accorde pas facilement sa confiance à celleux qu’elle croise. À l’opposé se trouve Rafik, qui incarne la tahouri (variété d’hyène saharienne) : conciliant, communicatif, il évite les conflits et sa boussole morale est un peu aléatoire. Enfin Camille est la panthère : réfléchi, calme, précautionneux, il prend soin de tout le monde et évalue toujours le pour et le contre d’une décision.

Selon le point de vue que vous privilégierez, différents protagonistes vont guider le récit.

Une seconde mécanique, beaucoup plus terre-à-terre mais peu exploitée par le jeu (vous n’aurez à le faire que trois ou quatre fois), c’est la gestion de vos rations d’eau et de nourriture. Lors de vos haltes, vous établirez des campements qui seront alors l’occasion de répartir les tâches parmi les membres de votre troupe : qui partira à la recherche d’eau et de vivres ? Celleux que vous choisirez doivent être reposé·es et ne pourront pas participer à la collecte le jour suivant. Une balance, en haut de l’écran, vous rappelle à chaque instant dans quel état se trouve vos stock en regard du nombre de personnes qui composent votre clan.

Le campement.
Le campement.

Si cette mécanique vous mettra en tension, elle est quelque peu désamorcée par le fait que vous ne pouvez pas établir de stratégie de déplacements ou anticiper les conséquences de vos décisions. Tout au plus pouvez-vous décider de ne pas vous encombrer de bouches supplémentaires à nourrir.

Conclusion

Si l’effondrement prochain de notre civilisation a tendance à vous donner des bouffées d’angoisse, vous devriez peut-être vous abstenir de jouer à End of Lines. L’histoire qu’il nous raconte est cruelle et désespérée, vous perdrez celles et ceux que vous aimez et les souvenirs des protagonistes pré-effondrement vous déchireront le cœur – ils sont beaucoup trop réels. À mille lieux des récits militaristes et motorisés à la Mad Max, la question climatique n’est pas une donnée avec laquelle vous pouvez composer comme peut le proposer un jeu comme Civilization VI Gathering Storm, il n’y a plus rien à faire et vous vous coltinez une impuissance démoralisante.

Le monde d'avant, vert et insouciant.
Le monde d’avant, vert et insouciant.

Les passages mystiques ou sentimentaux détonnent un peu dans le décor et sont traités superficiellement dans ce jeu qui ne propose qu’une poignée d’heures de jeu, réduisant mécaniquement le temps qu’il peut y consacrer.

Vous lancerez donc End of Lines avec prudence, en conscience. La question écologique y est abordée avec beaucoup d’humanité mais sans compromis moral, sans détour, ne vous attendez donc pas à ce que vos émotions soient ménagées.

Si le cœur vous en dit, vous pouvez visionner ma partie sur Let’s Frag !, qui n’est que l’un des chemins que vous pourrez prendre dans End of Lines.

Direction artistique
8.5
Narration
7
Gameplay
5
Durée de vie et rejouabilité
6
Musiques et sound design
6
Alors ton avis ?1 Note
9.5
Un très beau jeu.
Une narration puissante.
Des ambiances réussies.
Un gameplay pas assez abouti.
Un jeu très court.
Un thème "touchy" qui effrayera certain·es joueureuses.
6.5