Detroit-Become-Human

Detroit Become Human – Là où commence l’humanité

Ou peut-être là où l’humanité se finit. Qu’est-ce que l’être humain ? Qu’est-ce qui nous définit comme être humain ? Une enveloppe charnelle ? Une conscience ? Le fait de pouvoir faire des choix ? Des désirs éprouvés ? Quantic Dream essaie de répondre à cette problématique née des nouvelles technologies. L’intelligence artificielle prendra-t-elle un jour la place de l’être humain ?

Jeu : Detroit Become Human Genre : Action, Aventure, Narratif, Choix multiples Studio : Quantic Dream Editeur : Sony Interactive Entertainment Date de sortie : 25 mai 2018 Plateformes : PlayStation 4

Vous incarnez aléatoirement trois personnages principaux : Connor, Markus et Kara. Chacun ont un passé, un vécu et une fonction dans la vie. Ils sont tous les trois des humanoïdes et sont au service des humains. Deux d’entre eux se différencient car ils sont des robots domestiques. Connor, quant à lui, a une fonction de policier. Il est là pour mener des enquêtes et gérer des conflits.
Trois histoires parallèles se jouent donc aléatoirement. On apprend à connaître les trois principaux personnages qui font l’histoire de Detroit Become Human et on s’attache à chacun d’eux d’une façon ou d’une autre. Même si nous faisons les choix, il y a tout de même une ligne directrice pour chacun des personnages qui fait alors que l’on aime plus un personnage que l’autre. Voire que l’on en déteste complètement un (je ne dirai pas lequel).

Detroit Become Human est le premier jeu du studio Quantic Dream destiné directement à la Playstation 4, mais il est le dernier (pour le moment) d’une lignée de jeu qui met en avant la psychologie.
Le premier jeu du studio à s’être fait remarquer était Fahrenheit sorti en 2005. Déjà, Fahrenheit mettait en avant trois protagonistes sur fond de meurtre et d’enquête policière, saupoudré de paranormal en faisant entrer en jeu une prophétie. Le studio posait déjà les bases de ce vers quoi il allait tendre plus tard.
En 2010, le studio se rattache à Sony et propose son exclue PS3 avec Heavy Rain. Les personnes qui y ont joué, qu’elles aient aimé ou pas, ne sont pas sorties indifférentes de l’expérience. Car plus qu’un jeu, Quantic Dream offre déjà un film interactif où vos choix auront de lourdes conséquences. Trempés déjà dans les choix multiples et les fins additionnelles qui en découlent directement, les joueurs ont découvert un studio de qualité, avec un jeu qui le fait connaître du grand public.
Fin 2013, sort Beyond Two Souls, qui propose encore une autre expérience en terme de paranormal mais qui sera lâché par la critique. Moi-même j’avoue ne pas y avoir joué, même s’il est dans ma bibliothèque PS4 depuis un moment. Le studio s’essaie pour la première fois à un mode coop, qui ne restera que gadget malheureusement.
Enfin, le studio revient donc en force avec Detroit Become Human en 2018, pour le placer sur le haut du podium puisque c’est le plus gros succès Quantic Dream depuis sa création.

Après avoir traité le sujet des meurtres, la psychologie des tueurs en série, le paranormal et le contrôle d’esprit, Quantic Dream s’attaque à une grosse interrogation qui bouleverse les personnes  s’intéressant aux robots. Ces robots qui ressemblent ou qu’on fait ressembler aux humains. Ces humanoïdes qui prennent de plus en plus la place dans le quotidien des gens dans certains pays, et qui, un jour, viendront à remplacer l’être humain dans les tâches les plus difficiles.

Quantic Dream traite à chaque fois de sujets profonds et met les joueurs au cœur des interrogations qui en découlent. Les fait sont exposés, tu as en face de toi plusieurs choix, que fais-tu ? si tu fais ça il se passera ça, sinon ça sera ça. Une fin n’est pas meilleure que l’autre, c’est la fin que vous décidez de vivre selon les choix à conséquences cumulés tout au long de l’expérience. Quantic Dream fait des jeux, mais plus que ça, il permet aussi de vivre des expériences et de se questionner au-delà des simples frontières physiques du jeu.

À la manière d’un livre, les jeux Quantic Dream permettent de s’identifier facilement aux personnages. Le fait de voir directement le point de vue de plusieurs personnages en même temps est aussi un élément important dans la mécanique des jeux du studio et leur déroulement. Ils permettent aux joueurs d’être des personnages omniprésents et de tout savoir, du coup de faire le parallèle entre chaque scène et d’appréhender les futures actions ou non. La force du studio est d’arriver à nous surprendre même si on connait tous les personnages sous différents angles. L’une des plus belles réussites en la matière est tout de même Heavy Rain.

Robots, androïde ou humanoïde

En écrivant l’article, je me suis demandée si le terme exact était plutôt androïde, comme le jeu l’utilise, ou bien humanoïde. Et bien qu’elle ne fut pas ma surprise en apprenant qu’il existait un troisième terme : gynoïde. Je ne l’avais jamais entendu jusqu’ici et pour cause, déjà le terme d’humanoïde désigne toute chose qui ressemble d’apparence à un être humain que j’appellerai de base avec une tête, 2 bras, 2 jambes.
Les androïdes en science fiction, désignent littéralement ce qui ressemble à un homme, non à un être humain de façon générale mais bien un personnage masculin.
Et je vous le donne en mille, gynoïde littéralement veut dire ce qui ressemble à une femme, là j’ai pas besoin de préciser tout le monde comprend.

Et donc que ne fut pas ma déception devant ce manque de vocabulaire de la part de Quantic Dream ! Il aurait été plus intéressant d’aller jusqu’au bout du sujet en apportant une connaissance aux personnes qui achètent le jeu de pouvoir intégrer un mot de vocabulaire en plus et pas vraiment compliqué. Mais il est devenu commun d’utiliser le mot androïde pour désigner tout robot à forme humaine, on utilise le masculin pour du neutre pour ne pas désigner les femmes comme une mauvaise habitude.
Alors puisque j’utilise l’écriture inclusive (du mieux que je peux) sur mon blog, je pense aussi aux gynoïdes qui ont le droit de pleinement exister (et par là si vous avez déjà joué à Detroit Become Human, vous avez déjà un petit indice de comment s’est fini ma partie), j’utiliserai le terme de gynoïde pour parler de Kara. Et enfin humanoïde pour parler de l’ensemble des robots.
Pour récapituler nous avons donc 3 protagonistes : Connor et Markus qui sont des androïdes et Kara qui est un gynoïde.

Les robots sont nos amis

Si ce n’est déjà fait, je vous conseille de jouer à la démo de Detroit Become Human, le ton est tout de suite donné. Connor est appelé pour résoudre un conflit de prise d’otage. Un androïde a tué un père de famille, tandis que la petite fille est prise en otage. Pour lui il faisait parti de la famille et avait noué une relation amicale avec la petite fille. Apprendre qu’il allait être remplacé pour un modèle plus récent lui a fait griller les circuits.
Alors qu’un être humain est habitué à ce genre de déception de la part d’autres êtres humains, l’androïde lui le vit comme une première trahison et le vit très mal, sa réaction est disproportionnée. Il va même à l’encontre de ce pourquoi il est programmé : servir l’être humain et le protéger, et ne surtout pas le blesser ou le tuer. Le sentiment de trahison est si fort que l’androïde devient dangereux et perd totalement le contrôle.

D’entrée de jeu c’est un sentiment fort et injuste, un sentiment de trahison qui implique une blessure émotionnelle qui intervient après un trop fort attachement et même un sentiment d’amour de la part de l’androïde. Avec la scène de la prise d’otage, le jeu démarre fort et montre déjà l’aboutissement de ce qui sera la réflexion tout au long du jeu, les androïdes aussi perçoivent les sentiments, les ressentent et subissent des conséquences émotionnelles. Ici l’androïde que la famille a nommé Daniel, a une réaction à chaud qui n’est pas du tout préméditée. Il prend connaissance d’une information qui le blesse et agit de la pire des façons, alors qu’un être humain relativisera sur ses sentiments de peine et de déception.

L’androïde ici est perçu comme un enfant qui ne maîtrise pas sa colère ou sa peine et a une réaction démesurée. C’est le début d’une longue série que l’on va appeler faille, alors que le conflit humain – humanoïde se dessine déjà.
Les humanoïdes commencent à ressentir des émotions qu’ils ne maîtrisent pas. En découlent des réactions et des actions qui vont à l’encontre de leur programmation, tel un virus qui se répand. Ils sont alors traité de déviant.

Se pose alors déjà la question : où commence l’humanité et où s’arrête-t-elle ? C’est une question perpétuelle car posée lors de l’esclavage, posée pour la condition animale et posée encore aujourd’hui pour les femmes alors que dans certaines mentalités elles ne valent pas plus que des fœtus ou des animaux.

L’être humain des années 2030 pensait avoir résolu le problème en créant des machines à son image pour le servir, tout genre et couleur de peau confondue. Considéré comme machines, donc non vivant, les humanoïdes révèlent pourtant une capacité de ressenti et même d’émission d’émotion. Au-delà des émotions basiques, comme la joie, la tristesse, ils arrivent à ressentir et à exprimer d’autres émotions plus complexes comme la trahison, la colère, le désir de protéger ou le besoin de créativité.

La technologie jusqu’au bout des neurones

Dès la première mission, le gameplay se dessine déjà. En vue à la troisième personne on dirige le protagoniste et on interagi avec les objets qui portent un centre d’intérêt. Pas besoin de trop fouiller avec R2 il est possible de mettre en avant les centres d’intérêts et les actions à réaliser. L’idée ici est de ne pas égarer les joueurs et qu’ils se laissent pleinement porter par l’essentiel du sujet, l’histoire et les choix interactif sur les objets d’intérêts. Soit ils seront là pour ajouter du contexte à la scène, soit ils feront parti d’une collecte pour les trophées.

Il est très intéressant de pouvoir reconstituer des scènes pour comprendre ce qu’il s’est passé. Ici l’androïde et le gynoïde sont purement reconnaissables et Quantic Dream arrive encore à allier l’enquête policière dans le contexte que l’on connait.
Déjà vu dans les Batman de Telltales Games, les scènes de reconstitutions d’événements sont de plus en plus utilisées. Même si dans Heavy Rain on avait déjà le principe, le champ d’action était plus large.

Le studio met en place une nouvelle façon de reconstituer la scène que j’ai trouvé plutôt intéressante, même s’il m’a fallu un peu chercher, je n’ai pas compris qu’il était possible de tourner la caméra pour voir s’il existait d’autres points d’intérêts. Là c’est vraiment une scène schématisée qui nous attends, des points d’intérêts à découvrir localisés au même endroit et d’autres à débloquer.

Je ne trouve pas que la reconstitution de scène fasse gadget, mais le fait qu’elle débloque l’utilisation d’objet est un peu dommage. Il aurait fallu avoir un message ou avoir un autre moyen qui nous fait comprendre qu’il faut débloquer une reconstitution de l’événement pour prendre l’objet final, comme pour le pistolet sous la table dans la première mission.

Rien d’original du coup mais un bon moyen de visualiser les scènes comme pour un cheminement de réflexions sur les actions passées d’une scène de crime. Ici on visualise concrètement de la même façon que Connor. Cela vient appuyer l’argumentaire et expose d’une façon amusante des scènes qui ne sont pas à la base faites pour mettre à l’aise. On appréhende toujours beaucoup mieux ce que l’on comprend.

Si vous êtes habitué·es déjà aux jeux de Quantic Dream, vous savez que pour le studio le QTE c’est la vie. Et Detroit Become Human ne déroge pas à la règle.
Je ne me souviens plus du tout si c’était déjà le cas dans Heavy Rain. Mais dans le dernier titre du studio, il est possible de régler la difficulté de la réalisation des actions ce qui aura pour conséquence de vivre pleinement l’aventure sans vous soucier si vous êtes doué·es de vos doigts ou pas (normalement pas du coup) ou alors si vous avez la maîtrise temporelle de l’action et que vos réflexes ne sont plus à prouver. La conséquence si vous vous manquez sera alors la mort directe d’un personnage.

Bon honnêtement, lors de mes deux parties j’ai joué en difficulté maximale et rien d’insurmontable. Il faut vraiment le vouloir pour qu’un personnage principal meure. En revanche un personnage secondaire aura plus tendance à ne pas survivre à quelques balles, mais cela aussi interviendra selon vos choix lors des phases actives. Comme feu Telltales, le studio joue très explicitement sur les prises de décisions rapides, les actions et parfois les réactions en chaîne qui demandent parfois une concentration particulière sur certaines phases.

Personnellement, j’adore ça, même si je trouve parfois les QTE fastidieux, ce n’est que pour ajouter de la pseudo difficulté au titre qui sera de toute façon assez compréhensif. Ici le but n’est pas de frustrer les joueurs, mais de leur permettre de vivre une aventure et de se concentrer sur leur réflexion. Ainsi seuls vos choix auront vraiment un impact de vie ou de mort sur tous les personnages.

Un schéma trop classique ?

/!\ Attention la partie suivante comporte des spoils
En jouant à Detroit Become Human, si on est un peu alerte sur notre schéma sociétal dans la vraie vie, on comprend qu’il reproduit exactement le même et ce même dans les années 2030, pas si éloignées de nous finalement. La technologie a évoluée, mais le rapport des femmes et des hommes est toujours dans un schéma qui se reproduit. Ainsi Markus est l’androïde de main de Carl, le vieux peintre célèbre. C’est lui qui va avoir la force de se relever, d’aller de l’avant et de soulever les foules.
Kara quant à elle est le gynoïde de maison. Elle aide Todd qui est seul et s’occupe de la tenue de la maison ainsi que d’Alice. Lorsqu’elle se libère pour protéger Alice, on pourrait croire que le studio a voulu prétendre à ce qu’on appelle communément l’instinct maternel. Ainsi la boucle est bouclée.
Les humanoïdes reproduisent parfaitement le schéma de la société humaine. Les gynoïdes ont les mêmes fonctions que les femmes et les androïdes celles des hommes.

Alors que peut-être Quantic Dream aurait pu pousser la réflexion beaucoup plus loin que le simple droit d’existence vu et revu avec l’esclavage, ou même toujours de nos jours le racisme, le sexisme et l’homophobie. Ici se sont les humanoïdes qui sont visés mais les réflexions restent les mêmes.

Ce n’est pas stipulé mais peut-être que les androïdes d’un côté sont programmés pour reproduire le schéma classique masculin et les gynoïdes celui des femmes ? Sûrement, mais même lorsqu’ils deviennent libres, ou essaient de l’être, c’est toujours Kara qui prend soin d’Alice et Markus qui soulève les foules alors qu’il y a juste à côté un exemple de gynoïde à fort caractère avec North.

Je laisse de côté Connor, qui lui même s’il a des attraits à la déviance puisqu’on lui offre cette possibilité, n’a que peut de répercussion quant au genre. Il pourrait très bien être un gynoïde, à part quelques réflexions sexistes de la part de ses collègues des autorités, je ne pense pas que Hank ferait une différence surtout dans la progression de l’histoire.

Dans la progression de l’histoire, on rencontre Luther. Là aussi il connote une pensée prédéfinie puisque c’est un androïde immense bâti tel un gorille qui est là pour protéger les gynoïdes adulte et enfant. Plus tard, on comprend qu’il vient apporter tout de même autre chose. Même si c’est un personnage qui peut mourir facilement à plusieurs reprises, il vient apporter l’information de manière douce et soutenir Kara au sujet d’Alice. Il est très sensible et fait preuve de beaucoup de compréhension. Il vient constituer un soutien moral certain à la famille nouvellement constituée de Kara et Alice.

J’aurais aimé voir des personnages plus complexes et plus profond comme Luther, parce que malheureusement, pas beaucoup de « creusage » de tête de la part du studio quant au passé de North. Elle aurait pu être tout, comme être la dame de compagnie d’une vieille dame à la place de Markus et Markus lui un objet sexuel. Car malheureusement encore une image classique de la représentation des femmes dans la société, la femme objet qui n’est là que pour assouvir le désir du mâle : c’est le passé de North. D’ailleurs c’est le seul personnage du jeu qui ait des convictions aussi radicales et qui va pousser à chaque fois Markus à créer une révolution violente. À l’image sûrement de la violence qu’elle a subit, mais cet exemple là, même s’il n’est pas dit que North s’en est sorti par un meurtre, on l’a déjà eu avec les deux gynoïdes amoureuses qui s’enfuient ou qui meurent (selon vos décisions) puisqu’elles ne peuvent pas vivre l’une sans l’autre.

Dommage donc qu’en présentant un jeu qui se veut être source de réflexion dans un futur proche certes, mais un futur quand même nous ayons encore des images dégradantes de la femme, ou des pensées classiques même lorsque leur représentation n’est censée être que physique, elle reproduise malgré elle un fardeau dont il est difficile de se dégager.

Detroit Become Human un succès mérité

Même si j’émets un gros bémol sur la dernière partie de mon article, et que pour moi il perd beaucoup de charme pour un titre qui aurait pu être bien meilleur, Detroit Become Human reste tout de même une expérience à vivre, je le classe donc dans les immanquables, bien que la note soit assez bonne mais pas excellente.

Avec 2 millions d’exemplaires vendus en quelques mois, Quantic Dream signe là un jeu presque mature, qui amène bien des interrogations qui sont piles dans l’ère de notre civilisation. Le studio n’a pas annoncé de suite pour le moment, mais je pense qu’il sera intéressant de traiter à nouveau le sujet de manière intelligente. Reste à savoir selon les choix définis comment cela va se passer. Si un 2 est envisagé, il sera sûrement possible et je l’espère fortement de le commencer en prenant en compte les choix du premier opus. Ceci dit, Quantic Dream n’a jusque-là jamais fait de suite à ses jeux, même avec Heavy Rain qui l’a fait connaître. La question reste en suspend.
Procurerez-vous le jeu Detroit Become Human sur Amazon à moins de 35 euros il vaut le coût. Il faut moins d’une dizaine d’heures pour le finir en deuxième partie, donc en première comptez facilement une quinzaine d’heures. Avec 2 parties je suis arrivée à 80% des trophées, donc il faudra au maximum 30 heures pour le platiner complètement en refaisant des bout d’histoires même si les chapitres sont aisément accessibles.